B.A, le jeudi 19/04- 3ème jour

Il est 11h20, je bois un café dans une confiteria rue Cochabamba "una café por favor...grande"
mais pas les mots pour demander une viennoiserie, le serveur me dit de venir et me montre. Je me rends compte que j'ai oublié le Blitz espagnol.

Hier soir en fait je suis allé vers minuit au "Dandi" Calle Piedras, une autre milonga que celle que j'avais prévue. Une petite dame boulotte assise sur une chaise sur le trottoir se lève à mon arrivée pour me faire entrer, me faire payer et ....me placer!

Je me retrouve à une petite table coincé entre deux "hombres". La salle n'est ni petite ni grande, une peinture sombre prend la moitié d'un mur, des colonnades en faux marbre et des lustres art déco donnent un côté chic à l'ensemble. Je suis là assis , je sais qu'il faut que je regarde les femmes avec insistance du moins celles que je désire inviter et faire si l'une d'elles me regarde un petit signe de tête mais je fais exactement le contraire, je regarde les couples danser et évite soigneusement les possibles regards aux alentours. Pas évident de s'approprier ces codes nouveaux pour moi, ce côté guindé que cela crée et cet environnement uniquement masculin.

C'est ma première milonga à Buenos Aires et comme la ville elle-même je dois m'habituer et apprivoiser l'inconnu. L' organisatrice du lieu Gloria me dit en français "Eh bien alors tu n'as pas encore dansé! Nous ne sommes pas assez belles pour toi!" et m'invite pour la prochaine tenda. Elle est toute ronde comme une sculpture de Botero, mesure à peine 1m50 mais à une présence extraordinaire. Après un tango, gentiment, elle me demande de me redresser. "Tu sais je suis petite mais si tu te baisses je deviens plus petite encore. Tu sais on danse avec les pieds alors quelle que soit la distance entre le sol et la tête ça ne change rien!! Pas tout à fait à mon aise, je lui dis "Muchos gracias" et me réponds "Non, encore, il faut faire une tenda entière sinon on va croire que je t'ai marché sur les pieds" dit-elle avec un sourire amical. Après cette tenda de quatre tangos elle va vers une grande femme brune et lui dit que je veux absolument danser avec elle et me voilà dans les bras d'une autre! une autre qui s'appelle Barbara et dont je ne connais pas la nationalité. Nous bavardons et elle m'invite à venir le lendemain à la milonga "Nino Bien".

J'ai oublié de dire qu'à peine entré, je croise le regard de Dominique M. . C'est tout de même incroyable!! Chaque soir il ya plus de 10 milongas et dans de nombreux quartiers et voilà qu'à la première milonga, je croise une lilloise!! elle reste un petit 2 mois encore donc jusqu'à fin mai.

Il est 13h30, je me promène dans le "Parque Lezama" et tombe nez à nez sur les figures de "las madres", les grand-mères de la Plaza de Mayo accrochées comme du linge sur des fils tendus, belle accroche si je peux dire du Museo Historico Nacionale. Ces femmes pendant trente ans ont défilées pour leurs petits-enfants disparus sous la junte militaire au moment du péronisme. Je prends un billet et fais la visite, il n'y a qu'un visiteur, moi... Tout est écrit en espagnol, alors...je n'ai pas tout compris. Premier couloir et première salle une exposition de photos des madres montrant leur acharnement pacifique et déterminé. Plus loin d'autres salles comportant une collection de maquettes de champs de bataille, d'armes, de drapeaux et de costumes militaires...

Depuis quelques heures je suis dans le quartier de la Boca. J'y suis venu à pied. Au fur et à mesure de mon avancé je sens que je ne suis pas ici à ma place le quartier est très, très, trés populaire et les maisons très, très délabrées. La peur au ventre je cherche mon chemin, me trompe, n'ose pas regarder mon plan pour ne pas montrer que je suis un touriste et donc une proie potentielle. J'avais lu qu'il n'était pas conseillé de s'aventurer ici la nuit mais au vu de ce que je ressens la journée non plus! Je longe désormais la Bombonera, stade de la Boca, cathédrale de béton qui s'appelle ainsi car elle ressemblerait à une grande boite de bonbons, lieu de transes footballistiques.

J'arrive enfin à Caminito où là les couleurs des façades éclatent, où le touriste est roi et où il n'y a plus rien à craindre. Il faut dire qu'il y a des policiers à chaque coin de rue! Le lieu est très kitch et les badauds à quelques encablures du port sont harponnés pour manger là ou boire ici ou dépenser leur argent dans cette boutique ci ou cette autre là. Un peu plus loin à l'écart deux couples de danseurs s'entrainent à faire des figures complexes de tango que j'aimerais savoir faire. Il y a de chaque côté de leur "carré" des chapeaux pour mettre la pièce si photos ou films. Pourtant les 2 couples semblent être à une pratique, ils essayent, ratent, recommencent, rigolent. C'est comme une démo mais improvisée et sans vraiment de public si ce n'est deux pelés et un tondu, moi !...

J'écris assis sur un banc face à des peintures d'un peintre aimé, reconnu ici semble-t-il ! Le musée lui est intégralement consacré! Il a fait beaucoup pour ce quartier populaire de la Boca, hôpital, maternité et école. C'est de lui que vient l' idée de colorer les maisons faites de tôles et de matériaux de récupération provenant des chantiers navals. Ces peintures me font penser à Fernand Léger mais dans un style expressionniste. Elles montrent le port de B.A au début du siècle au travail et expriment l'incroyable acharnement des hommes, la dureté de la tâche, les incendies et les accidents. D'autres, la misère, l'alcoolisme et les inondations, d'autres encore le mariage, la religion, la musique et la fête dans les cabarets. Il s'appelle Benito Quinquela Martin. On retrouve dans de nombreux lieux publics nombreuses de ses fresques, dans le métro Plaza Italia, dans une banque(HSBC), dans des complexes sportifs et juste à côté du musée au théatre de la Ribera.


























Sur le retour alors que je longeais le port un policier à côté d'une guérite à la limite de nulle part m'arrête, me demande en anglais où je vais et m'incite à faire demi-tour. "Plus en avant dans cette direction vous aurez des problèmes. C'est dangereux.." me dit-il . J'étais justement en train de me demander si ce chemin le long des quais était une bonne idée! Au loin prés des vieilles maisons délabrées des individus me semblaient louches et je m'apprêtais à faire demi-tour. Je fis donc marche arrière et après renseignements pris auprès de ce sympathique et tout jeune policier je pris le bus à Caminito direction plaza de Mayo.
Retour à l'hôtel, douche et après un asado (pas terrible) direction un locutorio pour accéder à internet.

Il est minuit la boutique ferme, je finis.... Le patron me rappelle qu'il ferme. Je suis désormais le dernier client, le rideau se baisse sur la vitrine. Je sors et vais me coucher. Je pensais aller à la milonga Nino Bien Centro region Lionesa mais non, dodo.
Demain j'ai rendez-vous avec Aude pour déjeuner..