B.A, le 03 mai - 17eme jour

Ce matin au petit déjeuner, Maria-José m'explique que pendant 7 mois à l'Academia de Estilos de Tango Argentin(ACETA) elle va suivre des cours avec des professeurs, des "maestros milongueros" parmi les meilleurs en tango traditionnel et d'un âge certain. Chaque semaine les couples de professeurs changent!
Belle gymnastique de l'esprit car évidemment chacun à sans doute sa propre technique et une pédagogie différente. Je peux citer quelques noms: Carlos y Rosa Pérez, Carlos y Maria Rivola, Mingo y Esther Pugliese, Osvaldo y coca...dans cette même école il y a des intervenants plus connus en France et en Europe Claudia Codega, Pablo Veron...mais eux en tant que "Profesores y corégrafos", plus tango contemporain.

Cet après-midi elle va prendre des places au théâtre Maipo calla Esmeralda 444 pour un spectacle où nous allons ensemble.
Pour ma part je prends le bus 160 pour enfin visiter les expositions du Malba(Museo des arts latino américano de Buenos Aires). Bus bondé comme d'habitude en début de parcours, pas génial pour mon mal de dos d'être debout et balloté. Je trouve enfin une place assise mais me trompe d'arrêt. Je n'ai plus qu'à marcher !

Je fais un break à une « parilla » en bord de route où je commande un « sandwich-entrecôte-tomate-salade » . Ici les bovins mangent l'herbe de la Pampa et ça se sent ! La viande est délicieusement tendre!

Ca y est me voici arrivé, je prends mon billet . Fatigué, après l'escalator qui mène au 1er étage, je m'assois sur le premier banc venu face à une peinture qui de premier abord ne me parle pas. Mais comme je suis là et que je n'ai pas envie de bouger, je commence à voix basse à dire ce que je vois, je me la raconte. Je me prends au jeu.C'est une peinture de Jorge de la Vega qui se nomme « el dia Illustrisimo »(1963). »the illustration day » Le tableau mesure 3m de haut et 2m de large. Le fond est blanc, plusieurs têtes avec des traits semblables mais toutes différentes. La première est blanche en relief comme des morceaux de sucre collées, la seconde composées de céramiques de multiples couleurs, la suivante de couleur à dominante rouge semble balayée par un vent fort qui brouille ses traits, la quatrième est un assemblage de verres où je me vois comme dans un kaléidoscope, la cinquième blanche comme la première mais parsemées de trous noirs ronds et carrés. Peut-être représentent-elles la même personne dans des états d'âme différents ? la dernière est peinte dans le torse d'un corps sans tête fait de tissus en relief et semble emprisonnée dans sa propre carcasse tenant d'un bras frêle un long tissu froissé. Partout la peinture dégouline. La lune est blanche entourée de noir comme un immense projecteur orienté vers moi. A gauche du tableau une autre tête, mêmes traits toujours, des contours seulement , comme vide de l'intérieur et en même comme un espoir en train de naitre , auréolé d'un cercle jaune. Peut-être la représentation d'un passé noir terreau d'un espoir en une vie plus simple, plus facile ? je ne sais pas si telle est l'intention du peintre mais cette peinture me touche désormais, ne m'est plus indifférente !..

Je change de banc sans me poser plus de questions et recommence à voix basse avec un tableau de Luis Felipe Noé qui se nomme « Algun dia de estos »(1963)-« Un de ces jours ». Au bas du tableau une tête jaune, dents blanches, langue rouge moqueuse dans un large sourire grinçant, agressif. Un corps de cheval l'encadre. Cheval-licorne bouche ouverte où la aussi le rouge domine, yeux blancs, médaillons blancs sur la tête à l'emplacement du 3ème œil. Partout sur son corps dégoulinent les couleurs, sur son flanc gauche des petites pièces de ferrailles rondes forment un dragon en médaillon, des points jaunes disséminés un peu partout tel un harnachement d'apparât donne au tableau un air de fête. Vers les jambes arrières du cheval une femme en robe marron et noir en imposte. La queue noire semble en mouvement. A la droite du tableau trois autres tableaux, l'un ressemble à une peinture flamande , couleurs sombres et noirs intenses, juste au dessus comme une caricature, le personnage a de grosses joues un large cou, un double menton et un cravate blanche. Le dernier juste à sa gauche, délimité par un L gris (comme Luis ?) où les cheveux du personnage est une coulée de peinture crème et la bouche bâillonnée. Au milieu du tableau Noé écrit en grand en peinture blanche, un endroit peu traditionnel pour signer. La vie est un grand cirque douloureux semble dire ce tableau, interprétation toute personnelle.

Je pensais voir des peintures mexicaines en grand nombre et aurais aimé voir celles de Diégo Riveira. En fait une seule de Botero et de Frida Kahlo.
Celle présentée est « autorretrato con chanjo y loro »(1942). »Autoportrait avec singe et perroquet ». On retrouve comme souvent dans les peintures de Fida Kahlo son auto-portrait et ses célèbres sourcils épais qui se rejoignent. Autres personnages, un perroquet et un singe. Quelle signification leurs donne-t-elle ?
Elle se représente pommettes rouges, petites moustaches et un air sérieux voire austère.Le fond du tableau est de couleur ocre jaune, ses cheveux noués sur le dessus par un ruban rayé jaune et vert. Sa robe est de couleur rouge avec un col jaune dorée. On retrouve la couleur verte dans les feuilles qui sont aussi roses et jaunes pâles entourant les trois personnages.
Elle et le perroquet me regardent tandis que le singe m'ignore et me montre son profil. C'est un peu le Cluedo mexicains cette peinture. Que dit-elle ? le singe animal le plus proche de l'homme, plein de facétie, en évolution vers l'état d'homme mais qui s'en fout, n'en a pas conscience et regarde ailleurs. Le perroquet qui répète les mêmes paroles et sans cesse recommence comme un jeu auquel il se prête impassible. Et Frida kahlo en autoportrait au milieu entre l'évolution et le chemin facile de la répétition. Comment évoluer et créer ? Comment vivre ? ...en sauvage, en perroquet social ?